ARE YOU LONESOME TONIGHT ?

Mon père faisait de la contrebande de voitures dans les années 1990. Il a également commis d’autres crimes de petite envergure. Selon lui, c’était une
époque formidable pour les « têtes brûlées », pour ceux qui, comme lui, n’avaient rien à perdre. Pendant mon enfance, il a dû parfois « disparaître » pendant quelques semaines afin de se cacher des usuriers, laissant ma mère et moi affronter les conséquences. Néanmoins, je n’ai jamais douté qu’il avait un bon fond. Il était à la fois le criminel le plus complexe et le plus précieux à mes yeux.

Ma mère avait elle aussi développé toute une panoplie de compétences permettant de survivre à tout. Quand j’avais dix ans, un groupe de gangsters a frappé à notre porte et menacé de brûler notre maison. Je me souviens que ma peur se transformait en colère, tandis que ma mère, impassible, leur avait offert du thé et avait eu une longue conversation avec eux. J’étais émerveillé. Être témoin de son approche inattendue a indirectement posé les bases de cette histoire. En écoutant les gangsters, j’ai compris aussi la complexité qui m’avait échappée auparavant.

Maintenant que j’ai terminé mon premier long-métrage, je me connais mieux qu’avant. Je comprends mieux aussi d’où vient la sympathie pour les « méchants ». En fait, nous pourrions tous être nés avec les qualités d’un « anti-héros ». Il se trouve simplement que le héros de mon film vit dans un no man’s land où la
morale et les logiques sont discutables.

Les humains sont limités, imparfaits et font parfois des choses déraisonnables. Je suis attiré par les impulsions cachées qui se dissimulent derrière ces actions, car elles reflètent la nature profonde des hommes. Pourtant, nous vivons dans un monde où tout est interconnecté. Nos actes répréhensibles ont un effet sur les autres et, souvent, nous ne voyons pas le tableau dans son ensemble.

Une question traverse ce film : compte tenu de notre passé, comment réussir à nous pardonner ? Nous devons affronter le passé afin de vivre dans le présent. Mais lorsque les souvenirs sont eux-mêmes devenus une forme de punition, est-il possible de se racheter ?